par Julien Blondel février 16, 2019
J’ai peur de la vermine...
J’ai peur des créatures, des nuées, des araignées, des morsures et des rats. J’ai peur que ces ombres géantes qui glissent entre les arbres soient toujours bien réelles quand le soleil revient. J’ai peur d’être piquée, trainée comme une viande chaude et dévorée vivante par une colonie d’yeux, de griffes et d’estomacs. J’ai peur de la vermine, mais ce n’est rien à côté de ce que m’inspirent les autres. Ce qu’il reste de nous me terrifie.
Nous sommes devenus le pire de nos cauchemars…
J’aimerais pouvoir me dire que les autres n’existent pas. J’aimerais pouvoir me convaincre que nous sommes restés humains, que nous avons conservé cette petite étincelle, cette part d’humanité qui nous empêche de sombrer dans la bestialité. Cette part de nous qui refuse de tuer sans raison. Qui nous interdit de nous nourrir les uns des autres. J’aimerais pouvoir me convaincre qu’ils n’existent pas. Mais je sais ce qu’on raconte. Et je sais que j’ai vu.
Ce ne sont pas les chamans qui me font peur. Ceux que j’ai rencontrés n’ont rien fait devant moi qui m’ait donné envie de m’enfuir ou de me réveiller de ce cauchemar en hurlant. Il y a toujours eu des herboristes, des sourciers, des guérisseurs. Il y a toujours eu des mystiques, des druides ou des gourous. Que certains d’entre eux prétendent parler à la forêt, communier avec l’eau, invoquer les Totems ou partager leur terre avec « l’esprit de la ruche » ne m’a jamais effrayée. Ce ne sont que des mots. Des mots qu’ils mettent sur l’invisible. Et les mots ne tuent pas.
Les mots ne sacrifient pas leurs enfants aux fourmis.
Je ne les ai jamais vus, mais je sais qu’ils existent. Les cannibales. Les fanatiques. Les adorateurs de la vermine. Ceux qui nourrissent leurs rats avec de la chair humaine. Ceux qui vivent dans des grottes et qui percent les yeux de leurs nouveaux nés. Ceux qui se tranchent les oreilles ou qui s’amputent les mains pour se greffer des lames ou des ossements. Ceux qui s’injectent des larves et des œufs d’araignée sous la peau jusqu’à leur éclosion. Ceux qui transforment les femmes en pondeuses de créatures sans nom. Ceux dont la peau scintille sous les ultra-violets comme de la chitine de scorpion. Ceux dont le corps criblé de balles continuent d’avancer. Je sais qu’ils sont réels. Les cadavres déchiquetés que j’ai vus ne mentaient pas.
La terreur dans le regard de tous ceux qui leur ont survécu ne mentait pas.
– Iza, été 2046.
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